Les cuisines, les boulangeries et l’intendance

Édifice cultuel, le « temple de millions d’années » de Ramsès II avait également une vocation administrative et économique. Les produits provenant des domaines de la Couronne y convergeaient pour les nécessités du culte journalier, des liturgies solennelles, mais aussi pour l’entretien des fonctionnaires, qui étaient au service de l’institution royale.

Dans l’immense champ de ruines en brique de terre crue qui entoure le temple, les fouilles ont permis d’identifier le quartier des cuisines et des boulangeries, dont l’un des surintendants, à l’époque de Ramsès II, était un certain Nakhtamon, enterré dans la nécropole thébaine.

Cuisines et boulangeries du Ramesseum, fouillées et restaurées © Yann Rantier/CNRS

Cuisines et boulangeries du Ramesseum.
© Yann Rantier/CNRS

Réparties en deux ensembles symétriques, plus de trente salles, pourvues de fourneaux et d’installations propres à la préparation de mets, ont livré un abondant matériel archéologique : des centaines de moules à pains, pots, coupelles et autres récipients utilitaires en terre cuite, ainsi que d’innombrables particules végétales (céréales, graines de lin, fruits, charbon de bois) prélevées pendant le nettoyage des sols et des fourneaux.

L’entrée de ces deux ensembles avait la forme de petit pylône. On accédait aux cuisines par une cour, sorte de sas entre l’espace sacré du temple et le monde des activités profanes. Dans cette pièce, de plan carré, avaient lieu la purification et la consécration des offrandes réservées aux autels divins.

Desservies par un long couloir, les cuisines étaient pourvues d’une porte en bois à vantail unique, avec jambages et linteau en grès. Dallées et couvertes de voûtes, elles comprenaient, chacune, entre deux et six fourneaux installés au fond des salles, dans un espace séparé presque toujours par une cloison du reste de la pièce. En raison de la forte chaleur et de la fumée qu’ils devaient dégager, il est fort probable que d’importantes ouvertures avaient été ménagées dans la voûte au-dessus des foyers.

Les blocs de calcaire utilisés pour la construction des cours, aujourd’hui présentés sur des banquettes, proviennent d’un édifice érigé sous les règnes conjoints d’Hatshepsout-Thoutmosis III (env. 1479-1457 av. J.-C.), démantelé,  puis réutilisé à l’époque de Ramsès II.

La fouille et l’étude des cuisines ont révélé, à l’ouest, l’existence d’une intendance. On y accédait, depuis l’allée sud, par une porte dont du jambage gauche souligne la vocation des lieux. Le roi y est, en effet, qualifié de « grand de provisions »,  Cette entrée donne accès à une cour à portique, desservant elle-même trois salles mitoyennes, orientées nord-sud. C’est dans ces chambres, que plusieurs comptes de denrées ont été retrouvés, inscrits sur des ostraca, et qu’un  ensemble de céramiques a été découvert près d’un fourneau, au niveau du dallage.

L’activité de ces cuisines et boulangeries ne s’est pas arrêtée brutalement à la mort de Ramsès II. On y travaillait encore sous le règne de Ramsès III, ainsi que le prouve un montant de porte à son nom, réutilisé dans ce contexte et, depuis, remonté à l’entrée d’une des salles ouest.

Comme les autres secteurs du temple, les cuisines n’ont pas échappé à l’occupation funéraire de la Troisième Période Intermédiaire.

Christian Leblanc